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Une méditation fondatrice pour la spiritualité mariale

Saint Louis-Marie Grignion de Montfort a rédigé en 1712 un traité de spiritualité connu sous le titre de Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge. Au moment où nos prières se tournent volontiers vers Marie, cet écrit précieux de Montfort continue à éclairer et à guider le sens spirituel des prières mariales. En voici un extrait :

Ayant jusqu’ici dit quelque chose de la nécessité que nous avons de la dévotion à la Très Sainte Vierge, il faut dire en quoi consiste cette dévotion.

Première vérité. – Jésus-Christ notre Sauveur, vrai Dieu et vrai homme, doit être la fin dernière de toutes nos dévotions : autrement elles seraient fausses et trompeuses. Jésus-Christ est l’alpha et l’oméga, le commencement et la fin de toutes choses. Nous ne travaillons, comme dit l’Apôtre, que pour rendre tout homme parfait en Jésus-Christ, parce que c’est en lui seul qu’habitent toute la plénitude de la Divinité et toutes les autres plénitudes de grâces, de vertus et de perfections ; parce que c’est en lui seul que nous avons été bénis de toute bénédiction spirituelle ; parce qu’il est notre unique maître qui doit nous enseigner, notre unique Seigneur de qui nous devons dépendre, notre unique chef auquel nous devons être unis, notre unique modèle auquel nous devons nous conformer, notre unique médecin qui doit nous guérir, notre unique pasteur qui doit nous nourrir, notre unique voie qui doit nous conduire, notre unique vérité que nous devons croire, notre unique vie qui doit nous vivifier, et notre unique tout en toutes choses qui doit nous suffire. Il n’a point été donné d’autre nom sous le ciel, que le nom de Jésus, par lequel nous devions être sauvés. Dieu ne nous a point mis d’autre fondement de notre salut, de notre perfection et de notre gloire, que Jésus-Christ : tout édifice qui n’est pas posé sur cette pierre ferme est fondé sur le sable mouvant et tombera infailliblement tôt ou tard. Tout fidèle qui n’est pas uni à lui comme une branche au cep de la vigne, tombera, séchera et ne sera propre qu’à être jeté au feu. Si nous sommes en Jésus-Christ et Jésus-Christ en nous, nous n’avons point de damnation à craindre : ni les anges des cieux, ni les hommes de la terre, ni les démons des enfers, ni aucune autre créature ne nous peut nuire, parce qu’elle ne nous peut séparer de la charité de Dieu qui est en Jésus-Christ. Par Jésus-Christ, avec Jésus-Christ, en Jésus-Christ, nous pouvons toutes choses : rendre tout honneur et gloire au Père, en l’unité du Saint-Esprit ; nous rendre parfaits et être à notre prochain une bonne odeur de vie éternelle.

Si donc nous établissons la solide dévotion de la Très Sainte Vierge, ce n’est que pour établir plus parfaitement celle de Jésus-Christ, ce n’est que pour donner un moyen aisé et assuré pour trouver Jésus-Christ. Si la dévotion à la Sainte Vierge éloignait de Jésus-Christ, il faudrait la rejeter comme une illusion du diable ; mais tant s’en faut qu’au contraire, comme j’ai déjà fait voir et ferai voir encore ci-après : cette dévotion ne nous est nécessaire que pour trouver Jésus-Christ parfaitement et l’aimer tendrement et le servir fidèlement.

Je me tourne ici un moment vers vous, ô mon aimable Jésus, pour me plaindre amoureusement à votre divine Majesté de ce que la plupart des chrétiens, même des plus savants, ne savent pas la liaison nécessaire qui est entre vous et votre sainte Mère. Vous êtes, Seigneur, toujours avec Marie, et Marie est toujours avec vous et ne peut être sans vous : autrement elle cesserait d’être ce qu’elle est ; elle est tellement transformée en vous par la grâce qu’elle ne vit plus, qu’elle n’est plus ; c’est vous seul, mon Jésus, qui vivez et régnez en elle, plus parfaitement qu’en tous les anges et les bienheureux. Ah ! si on connaissait la gloire et l’amour que vous recevez en cette admirable créature, on aurait de vous et d’elle bien d’autres sentiments qu’on n’a pas. Elle vous est si intimement liée, qu’on séparerait plutôt la lumière du soleil, la chaleur du feu ; je dis plus, on séparerait plutôt tous les anges et les saints de vous, que la divine Marie : parce qu’elle vous aime plus ardemment et vous glorifie plus parfaitement que toutes vos autres créatures ensemble.

St Louis-Marie Grignion de Montfort, Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge (1712)