Synode romain, un point d’étape
par Pascal Wintzer
Deux textes ont été publiés pour exprimer la clôture de la 1ère session du synode romain sur la synodalité. Puisque les conclusions seront apportées après le seconde session d’octobre 2024, il serait erroné de lire dans ces deux textes du 25 et du 29 octobre 2023 ce qui anticiperait sur cette conclusion. Comme y insiste le pape François, nous sommes dans un processus, qui n’a pas commencé ce mois d’octobre et ne s’y termine pas.
Cependant, puisque textes il y a, ils ont leur nécessité, à la mesure où on les accueille pour ce qu’ils sont, des points d’étape, préparés par un travail et qui ne portera fruit qu’à la mesure où ils stimulent le travail poursuivi, certes, par les instances romaines, mais aussi dans les diocèses.
Nos modes de pensée occidentaux évaluent toute chose en termes de résultats ; le chemin du synode ne peut se lire selon cette optique. Ce qui a été privilégié, et ce dès le début, c’est l’écoute ainsi qu’une méthode qui permet de lui donner toute sa place : la conversation dans l’Esprit. Les photos de l’assemblée synodale qui vient de se terminer l’illustrent.
On a beaucoup souligné, à raison, la nouveauté de ce synode par rapport aux précédents par le fait que le droit de vote a été donné à tous ses membres et non aux seuls évêques – ce qui a pu étonner étant donné que cette institution fut créée dans la suite de Vatican II comme un « synode des évêques » – cette fois-ci tous les membres du synode avaient voix égale, dont des laïcs, dont des femmes. Mais, j’aime souligner une autre originalité ; dans les précédents synodes, les séances se déroulaient dans un amphithéâtre, face à une estrade, lieu de la présidence.
Cette fois-ci, l’amphithéâtre a été abandonné pour occuper une partie de la grande salle qui se trouve en-dessous, la salle Paul VI. Habituellement, cette salle est utilisée pour les audiences pontificales, lorsque celles-ci ne se déroulent pas Place Sainte Pierre. Pour le synode, les sièges avaient été retirés pour laisser place à de grandes tables rondes. Alors que dans l’amphithéâtre, les places sont attribuées dans le respect d’une hiérarchie que l’on connaît, du premier au dernier rang : cardinaux, archevêques, évêques, supérieurs religieux, supérieures religieuses, laïcs… autour des tables, les personnes étaient mélangées, la parole des uns (et des unes) étant réputée avoir même poids que la parole des autres. Pour le garantir, car il y a toujours des « parleurs » et des « parleuses », chaque prise de parole était limitée à 3mn (on sait que le pape a respecté cette règle lorsqu’il s’est exprimé).
Plus que de longs discours, les lieux, leur agencement, les modalités sont expressifs, ici, de cette Eglise synodale où la dignité baptismale, égale pour tous, le fait d’être délégué au synode par son Eglise, sa communauté, est ce qui donne autorité à une parole et non la couleur dont on est revêtu. Quant à la « méthode », un terme qui n’est sans doute pas approprié, la conversation dans l’Esprit, elle reconnaît le prix de toute parole. Il s’agit donc bien moins d’une méthode que d’une manière de mettre en œuvre cette même dignité baptismale.
Poursuivre, dans les diocèses, le chemin synodal, consiste, pour moi, moins à discuter telle ou telle éventuelle réforme de structure – sans minimiser les enjeux ni les nécessités – que de développer ces pratiques d’écoute de toute parole, de respect de ce qui peut ne pas me ressembler, de recherche d’un chemin qui emporte le plus grand nombre.
Ne croyons pas que ceci soit aisé. Je sais, parce qu’archevêque, par habitude de parler (même si c’est pour moi plus un devoir lié à ma charge qu’un goût… j’ai plutôt celui d’écrire comme vous le constatez ici), que même sans le rechercher, je peux empêcher telle parole. Chacun, et spécialement, ceux qui sont dotés d’une autorité, naturelle ou due à la charge reçue, doit exercer sur lui-même une discipline. Sans la capacité à faire silence, à se taire tout simplement, comment peut-on estimer être dans l’écoute ?
+ Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers