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Rumeurs en temps de crise
Publié le 31 mars 2020

Julien Girardin-Stika, responsable diocésain de la communication

 

L’information circule. La communication passe bien. En ce moment, un responsable de la communication devrait être heureux : tout le monde est à l’écoute et les audiences des différents médias numériques progressent de façon très significative. Le confinement, l’incertitude de l’avenir, le besoin de savoir, font en effet que chacun consulte, partout où cela est possible, des informations.

Ce qui devrait être l’occasion de se réjouir est pour moi non seulement source d’inquiétude mais aussi d’exaspération. Jamais le nombre de « fake news » n’aura été aussi important. Nous sommes contaminés par la rumeur. Bien sûr, ce phénomène n’est pas nouveau. Il y a en revanche une explosion du nombre de fausses informations qui circulent, alimentée par les incertitudes, la crainte, l’inactivité ou l’ennui. Ces temps de confinements sont un moment propice à la rumeur. Des exemples ? « Les vacances vont être raccourcies en été par décret officiel du ministre. » Vous avez sans doute reçu cette information selon laquelle « un urgentiste reconnu affirme que si vous essayez de retenir votre souffle pendant dix secondes et que vous toussez, c’est le signe que vous avez une atteinte respiratoire. » Je ne parle même pas de la création du Covid-19 en laboratoire, prouvée par des documents eux aussi très « officiels ». J’ai moi-même appris, « de source sûre » que « les prêtres ne vont plus être payés faute de quêtes et de sacrements. » La liste est bien longue.

Exigence d’information, exigence de vérité ?

Comme communicant, et comme responsable diocésain de la communication, je ne peux me réjouir de ce surplus d’informations qui circulent chaque jour, véhiculant de fausses idées. La bonne communication, la communication qui met en communion ne peut faire l’impasse sur l’exigence de vérité. Aujourd’hui, il suffit qu’une information ait une apparence de vérité, qu’elle s’appuie sur une pseudo-source qualifiée (de préférence indéfinie et non identifiable comme ce « responsable du CHU », ce courrier « officiel », cette « source proche du gouvernement »), pour être comprise comme vraie. Pire encore, l’information est utilisée dans le but de dénoncer, mettre en avant les défauts ou les carences, accuser. Il faut un scandale, il faut des coupables. En terme de communion, vous admettrez que nous sommes loin du compte.

Est-ce qu’il faut s’interdire, sous prétexte de communion, tout sens critique ? Non bien sûr. Il faut savoir dire ce qui est juste et ce qui ne l’est pas, ce qui est bon et ce qui ne l’est pas. Une astuce vieille de plus de 2 000 ans peut vous être utile : les trois tamis de Socrate.

« Un jour, quelqu’un vint voir Socrate et lui dit :
– Ecoute Socrate, il faut que je te raconte comment ton ami s’est conduit.
– Arrête ! Interrompit l’homme sage. As-tu passé ce que tu as à me dire à travers les trois tamis ?
– Trois tamis ? dit l’autre, empli d’étonnement.
– Oui, mon bon ami : trois tamis. Examinons si ce que tu as à me dire peut passer par les trois tamis. Le premier est de celui de la Vérité. As-tu contrôlé si ce que tu as à me dire est vrai ?
– Non ; je l’ai entendu raconter, et …
– Bien, bien. Mais assurément, tu l’as fait passer à travers le deuxième tamis. C’est celui de la Bonté. Ce que tu veux me dire, si ce n’est pas tout à fait vrai, est-ce au moins quelque chose de bon ?
Hésitant, l’autre répondit : non, ce n’est pas quelque chose de bon, au contraire …
– Hum, dit le Sage, essayons de nous servir du troisième tamis, et voyons s’il est utile de me raconter ce que tu as à me dire …
– Utile ? Pas précisément.
– Eh bien, dit Socrate en souriant, si ce que tu as à me dire n’est ni vrai, ni bon, ni utile, je préfère ne pas le savoir, et quant à toi, je te conseille de l’oublier … »
Cette petite histoire, tirée d’un apologue anonyme de Socrate nous dit qu’avant de répandre une information, il n’est pas inutile de se questionner, de s’informer, de juger de sa pertinence et de l’impact qu’elle peut avoir.

Des outils, rien de plus, rien de moins

Internet est un outil formidable mais il nous accapare et nous enferme lorsqu’il est mal utilisé. Les chaînes d’information et la radio parfois, ressassent les mêmes informations tous les quarts d’heure au risque de l’indigestion et de l’angoisse.  Les réseaux sociaux, et leur viralité sont trop souvent utilisés pour véhiculer la rumeur ou pire, la haine, alors qu’ils peuvent être de formidables instruments de mise en relation.

Apprenons à utiliser ces outils pour ce qu’ils sont : des canaux d’information, des outils de communication, des chemins de communion. Une bonne communication est possible si nous recherchons toujours ce qui est bon, ce qui est beau et ce qui est vrai.

La communication commence par l’écoute

Face à cette surdose d’information, je me permets un conseil : éteignez un peu vos écrans. Respirez un bon coup, contemplez la beauté du monde, sa simplicité parfois. Rêvez, prenez soin des autres, veillez à leur bien-être. En quelques mots : sortez du cercle infernal de l’information continue. Sous prétexte du confinement, nous avons dressé un mur d’écrans qui nous empêche de regarder en nous-même et d’écouter la Parole de Dieu dans le silence de nos cœurs.

Laissons à Saint Augustin ce merveilleux dernier mot : « Où étais-je, moi, quand je te cherchais ? Toi Seigneur, tu étais devant moi ; mais moi j’étais parti loin de moi et ne trouvais plus moi-même, moins encore, ô combien, toi-même ! Tu étais au-dedans et moi dehors et c’est là que je te cherchais. Tu étais avec moi et je n’étais pas avec toi. » (Confessions, livre X)

 

 

Quelques conseils

Qui publie ? 

Dans le cadre d’un site institutionnel, cela pose peu de questions. Encore faut-il vérifier qu’il s’agit bien d’une voix autorisée (un petit détour par les mentions légales ou sur « en savoir plus », « à propos »). Cela ne doit pas cependant vous empêcher d’avoir un regard critique…

Sur les réseaux sociaux, on n’accorde pas une confiance aveugle à ses « amis » et on se méfie des appels à relayer des articles à tous ses contacts, même « dans le doute ». 

Illustrations et documents « officiels » ?

Vous aurez sans doute reçu ce document très officiel du Ministère de l’Education Nationale repoussant les vacances d’été. C’est un faux. A première vue, on pense à un vrai puisqu’il y a l’entête, les codes sont respectés (drapeau français, signature etc.) A l’étude un peu scrupuleuse du document, on remarque un style « particulier » (passage de la première à la troisième personne pour parler du ministre, syntaxe hasardeuse…) et la signature n’est pas la bonne.

Les photomontages, les faux sont fréquents. Et bien souvent « plus c’est gros, plus ça passe ».  

L’information a-t-elle été publiée ailleurs ?

Comme le journaliste doit croiser ses sources pour être sûr de son propos, il importe de comparer vos sources. Cela permet de voir si l’information est présente sur d’autres plateformes et de voir comment elle est traitée ailleurs.

Mener l’enquête ? Ils le font pour vous ! 

Il existe des outils très pratiques pour détecter les fausses nouvelles. Un site en particulier peut vous permettre de démêler le vrai du faux. www.hoaxbuster.com recense un très grand nombre de ces informations. Profitez-en : plus besoin de mener l’enquête… d’autres le font pour vous ! 

C’est vrai, puisqu’on vous le dit !

Un dernier indice : si vous avez dans le titre « 100% vrai », « authentique » « garantie sans intox » et si le texte insiste sur la source sans donner de précision mais que « c’est vraiment quelqu’un qui sait de quoi il parle », si partout il est précisé, avec lourdeur, que cette information est vraie… doutez ! 

Aller plus loin

Les infox : un processus cognitif

Dans le cas des fake news, notre cerveau peut opérer un raisonnement motivé : réorganiser la réalité pour nous convaincre de quelque chose auquel on croit déjà. Prenons un exemple : si je pense que la Terre est plate et que je vois un article qui va dans ce sens, je vais plus avoir tendance à y croire qu’à une autre information qui prouverait au contraire qu’elle est « ronde ». D’ailleurs, mon cerveau ne va peut-être même pas prêter attention à cette dernière. Autrement dit, une fausse information répond au « fantasme » plus qu’à la raison.

L’ère post-vérité dans laquelle nous sommes « fait référence à des circonstances dans lesquelles les faits objectifs ont moins d’influence pour modeler l’opinion publique que les appels à l’émotion et aux opinions personnelles » («Post-vérité», le mot de l’année selon le dictionnaire Oxford) Autrement dit, ce qui compte et qui est « vrai », ce n’est plus le fait objectif mais l’histoire bien racontée qui fait appel à des émotions ou à une croyance personnelle.

Si vous trouvez qu’un article flatte votre propre pensée et qu’elle n’apporte rien qui puisse nuancer son propos, posez-vous des questions !

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