Jeudi 5 novembre
Tous ces avantages que j’avais, je les ai considérés, à cause du Christ, comme une perte. Oui, je considère tout cela comme une perte à cause de ce bien qui dépasse tout : la connaissance du Christ Jésus, mon Seigneur. À cause de lui, j’ai tout perdu ; je considère tout comme des ordures, afin de gagner un seul avantage, le Christ. Philippiens 3, 7-8.
Ces paroles de Paul soulignent que l’on ne peut pas croire en Dieu de manière « modérée » ; dans la foi, il n’y a pas de modération ; cependant, il s’agit de bien préciser à quoi conduit la « violence » de l’acte de foi, ce ne peut être qu’au service de la vie et de la construction, jamais de la mort et de la destruction.
De quoi parle donc Paul, et qu’il désigne par « perte », et même par « ordures » ? C’est ce à quoi il était attaché, ce qui faisait sa vie de Juif, de pharisien : Circoncis à huit jours, de la race d’Israël, de la tribu de Benjamin, Hébreu, fils d’Hébreux ; pour l’observance de la loi de Moïse, j’étais pharisien ; pour ce qui est du zèle, j’étais persécuteur de l’Église ; pour la justice que donne la Loi, j’étais devenu irréprochable. Phi 3, 5-6.
Il ne s’agit pas de penser que ceci, la Loi, le judaïsme, les pratiques et la piété auraient été opposées à Dieu. Jésus lui-même observait la Loi, et il appelle à l’observer, d’où l’étonnement des pharisiens, leur scandale : ils ne peuvent comprendre que celui qui leur ressemble, est sans compromis avec fidélité à la Loi, puisse prendre ses repas avec les pécheurs publics et les pardonner.
En devenant disciple de Jésus Christ, après que celui-ci se soit manifesté à lui sur la route de Damas, Paul n’a renié en rien son peuple, Israël, le Dieu d’Abraham et de Moïse, la Loi. Il faut le souligner fortement : le Dieu de Jésus Christ est le Dieu de l’Ancien Testament. Mais, ce dont il s’agit, pour Paul, et d’abord pour le Christ, est une question de priorité : l’erreur consiste à oublier que la Loi, les pratiques, les rites sont, certes, un chemin vers Dieu, mais ils ne sont pas Dieu. Paul avait sacralisé les pratiques et la Loi, oubliant que seul Dieu est Dieu.
Les propos de Paul interrogent nos pratiques chrétiennes. Bien entendu que comptent les signes, les paroles, les gestes, et les sacrements évidemment ; cependant, Dieu ne saurait y être enfermé. A la fois il peut se manifester à qui il veut et de la manière dont il l’entend, et d’autre part, il demeure le Dieu plus grand que tout ce que nous disons et exprimons de lui.
La force des propos de Paul appelle dès lors les chrétiens à ne pas se tromper de combat. Il appartient pourtant à la psychologie humaine de chercher à être apaisé sur le sens de sa vie, sur la droiture de cette vie, et, pour le croyant, sur sa fidélité à Dieu.
Or, Dieu ne nous dira rien sur cela, et c’est heureux. On peut alors être conduit à voir dans notre observance scrupuleuse de gestes, de paroles, de rites, autant de manières, sinon de plaire à Dieu, au moins de nous rassurer.
Mais Dieu ne tient pas de comptes, il est le Dieu fidèle et miséricordieux. N’imposons ni à nous-même ni aux autres ce qui n’a pas à l’être.
Malheureux êtes-vous, scribes et pharisiens hypocrites, parce que vous payez la dîme sur la menthe, le fenouil et le cumin, mais vous avez négligé ce qui est le plus important dans la Loi : la justice, la miséricorde et la fidélité. Voilà ce qu’il fallait pratiquer sans négliger le reste. Matthieu 23, 23.
+ Mgr Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers
