Aux fidèles et ministres du diocèse de Poitiers
Dans quelques semaines sera publié le rapport de la CIASE (Commission Indépendante sur les Abus Sexuels dans l’Eglise catholique). Ce travail a été commandé par les évêques de France afin de prendre en compte la vie et la parole des personnes victimes et de soutenir et conseiller les attitudes justes conduisant à éviter de nouveaux crimes ou délits sexuels. L’enquête, qui couvre une longue période, depuis 1950, l’ensemble des diocèses et des congrégations religieuses, soulignera l’importance de ces actes, leur nombre et leur gravité.
Prendre le temps de parler
Au-delà de l’effet de sidération qui pourra assaillir les uns ou les autres, du dégoût, de l’abattement, aussi des nouvelles blessures vécues par les personnes victimes – lorsque ce qui leur a été fait est évoqué, leurs plaies s’ouvrent à nouveau, il faudra continuer à travailler pour que l’Eglise catholique devienne « une maison sûre ». Sans doute que la confiance de certains, déjà bien altérée, sera encore atteinte. Des familles continueront à hésiter à confier leurs enfants pour des activités qu’organise l’Eglise catholique.
La parole devra être donnée à chacun ; toute parole, même douloureuse, blessante, devra être entendue.
J’invite les paroisses, les groupes, à proposer, pour les personnes qui le veulent, des temps de rencontre, de parole ; je pourrais me rendre disponible aux groupes qui m’inviteront.
Il faut aussi que les prêtres, les divers ministres de l’Eglise, parlent aussi entre eux, de ce qui s’est passé bien entendu, de la considération que nous devons aux personnes victimes, de la vigilance à exercer.
De nombreux livres ont été publiés et continuent à l’être sur ces sujets. Leur lecture est nécessaire. Nous avons le devoir de chercher à comprendre les faits, les processus qui ont pu les permettre, ce qui a conduit à ne pas les empêcher.
Du bon usage de l’autorité
Même si ces actes sont le fait de personnes, ils ont été rendus possibles, parfois du fait d’une position d’autorité que donne la mission du prêtre et l’image dont il est revêtu, aussi du silence de certains, dont des responsables, parmi lesquels des évêques, qui ont préféré regarder ailleurs ou bien chercher à « protéger » une institution, conduisant à des maux encore plus grands : d’abord en ne protégeant pas des victimes, ensuite en discréditant davantage encore l’Eglise.
A la fois la justice des hommes et l’Evangile appellent à fuir et à combattre toutes les formes de mésusage de l’autorité, de la paternité – ce que l’on nomme parfois « cléricalisme », un mot qui cependant n’aide pas à bien analyser et dénoncer les mauvais comportements. Il s’agit bien plutôt d’un usage faussé d’une autorité, religieuse, spirituelle, qui a été utilisée par certains à leur profit, alors que, comme pour tout adulte, tout éducateur, tout parent, il s’agissait d’aider chacun à grandir en liberté, en particulier en s’émancipant de tutelles qui asservissent.
Travailler à mieux se connaître
La publication du rapport de la CIASE doit permettre à chacune et chacun, dans l’Eglise catholique, de s’interroger sur sa psychologie, son comportement, aussi l’image de Dieu qu’il porte en lui. Ceci pourra conduire tel ou tel à faire appel à des expertises, psychologiques en particulier, qui pourront l’aider dans ce travail.
C’est aussi un appel à vouloir, recevoir et bâtir une Eglise plus « synodale », une Eglise où la parole de chacun est reçue et entendue avec respect et considération, celle des hommes et celle des femmes.
Le travail qui est mené durant les mois à venir, en préparation au synode romain de 2023 consacré à la synodalité doit être pleinement mis à profit.
Un chemin à vivre par tous, dans la confiance et l’estime réciproque
En tout cela, qui consiste à assumer ce qui s’est passé et toutes les conséquences, il convient de nous aider, de nous soutenir, non pas contre qui que ce soit, mais pour grandir en vérité et en clarté.
C’est à une plus grande confiance les uns dans les autres que nous sommes appelés, c’est cette confiance que j’exprime à chacune et à chacun, en particulier à tous les acteurs de la mission, dont les prêtres, qui portent ensemble l’opprobre que leur valent quelques-uns.
La vérité est exigeante, mais elle libère.
+ Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers
Le 15 septembre 2021
Notre-Dame des Douleurs
A consulter également :
Faire de l’Eglise une maison sûre.
Lettre des évêques de France aux catholiques sur la lutte contre la pédophilie.
Chaque paroisse, service, groupe, est invité à reproduire ces textes et à les diffuser largement.