Sélectionner une page
Pour des villes ouvertes à tous
Publié le 13 avril 2021

Par Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers

La ville permet l’urbanité, c’est-à-dire la rencontre des populations, des générations, des cultures. Or, l’urbanisme métropolitain, le modèle socio-économique qui l’a promu produisent tout le contraire, la ségrégation, le séparatisme.

Les métropoles françaises du début du XXIe siècle ont mis en dehors d’elles les populations qui dérogeaient à un certain ordre social. Les classes populaires sont, ou bien dans les banlieues, le plus souvent dans la France rurale, des villes petites et moyennes. De plus, des politiques, affichées écologistes, agissent de telle sorte que ces classes populaires, possiblement dangereuses, ainsi que l’ont manifesté les gilets jaunes, ne puissent pénétrer dans les métropoles gentrifiées. Pour les Français de la périphérie, la voiture en est le seul moyen, mais, la piétonisation, le coût de plus en plus élevé des parkings, des réglementations diverses (zone 30, interdiction du diesel et des SUV, etc.), isolent des populations qui ont perdu l’habitude de se côtoyer. Ceci engendre des désordres écologiques encore plus grands : la ville-centre se pare en effet de toutes les vertus, plante des arbres, rénove ses espaces et ses façades, milite pour les minorités de toutes sortes, des sans-papiers aux LGBT… et laisse les nuisances se multiplier à sa périphérie : pollution visuelle d’une publicité anarchique, espaces commerciaux et parkings attenants, hangars et logistique, rocades et ronds-points… un contre-modèle qui, loin de lutter pour le bien-être, la qualité de la vie, l’esthétique, contraint surtout à un usage systématique de la voiture.

 

Pour être honnête, je dois reconnaître que j’ai toujours résidé au cœur d’une grande ville. Mes moyens de transport sont donc les pieds, le vélo, les transports en commun. J’apprécie que les villes soient piétonnes. Mais… une ville n’est-elle que pour ses habitants ? Auquel cas elle perd sa fonction qui est justement l’urbanité, le croisement de populations diverses. Je peux m’habiller sans peine chez Old England et laisser ceux des périphéries aller le samedi chez Kiabi ou Nooz. On s’étonnera que la France devienne un archipel !

Ce phénomène se vérifie dans tous les champs de la vie sociale. Dans le domaine religieux, le catholicisme des métropoles devient de plus en plus monocolore, identique dans sa composition sociale, comme le sont les habitants, même s’il exprime des attentes diverses, voire opposées ; en quelques semaines, Paris a vu s’exprimer les catholiques de Saint Merry et ceux de Saint Eugène. Une seule Eglise… mais dans des lieux, proches géographiquement, portant des orientations liturgiques, religieuses, sociales, ô combien diverses. La métropole n’est pas uniforme, mais elle se retrouve dans son ignorance de ce qui se passe en dehors d’elle, là où pourtant vit la très grande majorité de la population française.

Il a fallu les gilets jaunes pour que le peuple se rappelle à une élite qu’il dénonce. Plutôt que de saisir les signaux adressés à tous, on a hélas entendu de vieux réflexes de classes s’exprimer, même dans la bouche de ceux qui se pensent libéraux et éclairés, qualifiant les manifestants de beaufs, de fumeurs de tabac et d’utilisateurs de voiture diesel.

Ceux qui s’intéressent à ce sujet, loin d’être secondaire pour mieux comprendre certaines des maladies françaises, liront avec intérêt le livre que vient de publier l’universitaire Pierre Vermeren, L’impasse de la métropolisation (Le Débat, Gallimard, 2021). Il termine par ces mots : « Replacer les classes moyennes au centre de la société, et mieux associer les classes populaires au processus de production reviendra, entre autres, à déchoir les métropoles de leur piédestal » p. 106.
Géographes et sociologues ne manquent pas d’alerter sur les risques ouverts par les partitions de la société, qui est avant tout une partition territoriale. N’attendons pas que les rancœurs des humiliés conduisent à des violences destructrices, agissons pour que les villes, les métropoles, retrouvent leur vocation plutôt qu’elles ne s’enferment derrière les murs de leur superbe, de leur suffisance morale, voire de leurs polices privées.
« Souviens-toi, Seigneur, des fils du pays d’Edom, et de ce jour à Jérusalem où ils criaient : ‘’Détruisez-la, détruisez-la de fond en comble !’’ O Babylone misérable, heureux qui te revaudra les maux que tu nous valus. » Psaume 136, 7-8.

Nous suivre

Rester en lien avec le diocèse de Poitiers sur les réseaux

Facebook

Visiter notre page Facebook

Instagram

Suivre notre compte Instagram

Newsletter

Abonnez-vous à la Église en Poitou

Dernières actualités

Prier aujourd'hui

20 avril 2024

Le saint du jour

Prier avec La parole de Dieu

Lectures du jour →

Les messes sur le diocèse

Les horaires de messes

Déposer une intention

Confier une intention de prière

Prochains événements sur le diocèse

Aucun événement trouvé !