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Ouverture des JO. L’art doit-il véhiculer des messages ?
Publié le 31 juillet 2024

Tribune de Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers

Pour l’Observatoire Foi et Culture de la Conférence des évêques de France

 

 

Le metteur en scène de l’ouverture des JO ne saurait être étonné des réactions, négatives, que suscitent certaines scènes du spectacle qu’il a organisé pour l’ouverture des Jeux olympiques de Paris. Il a en effet choisi de véhiculer des messages exprimant son idée de la France, et de le faire dans un « esprit français », ne se privant ni de la caricature ni de la dérision.

Un des problèmes vient que cette mise en scène n’était pas proposée dans une salle de spectacles, ce qui suppose d’être délibérément choisie par ceux qui achètent un billet et en franchissent le seuil, mais destinée au monde entier. Là aussi on retrouve la France qui aime à donner des leçons de maintien.

Plutôt que de discuter au sujet de tel ou tel des tableaux du spectacle, je retiens des images tout simplement belles, tel ce cheval articulé descendant la Seine, et le ballon de lumière s’élevant dans le ciel de Paris. Y avait-il un message dans ces images ? En tout cas, si message il y avait il était « libre de droit », j’entends libre d’être interprété comme chacun l’entendait.

Est-ce le rôle de l’art de se faire le pédagogue du prêt-à-penser ? Pour moi, j’estime que non. S’il se donne ce rôle, il va immanquablement choisir des ennemis qu’il va vilipender ou moquer, pour mieux affirmer le bien qu’il entend affirmer, souvent sans aucune nuance, « à coups de marteau » idéologiques, comme dirait Nietzsche, autre amateur de Dionysos. Je pense que l’on est plus à même de proposer une vision lorsque l’on souligne ce qui grandit plutôt que lorsque l’on dénonce.

Tombant peut-être dans la caricature, m’exposant à la critique, j’ai vu dans cette ouverture des JO une sorte de contre-message à celui véhiculé par le Puy du Fou. Mais ce que ces deux projets ont en commun, c’est de penser que l’on existe en se protégeant des autres qui n’auraient comme projet que de nous détruire. Au Puy du Fou, ce sont les Romains, puis les Normands, puis les Bleus… on peut continuer la liste. Sur la Seine, ce sont les Blancs, les obscurantistes religieux, etc. Y avait-il besoin de ressusciter la « guerre des deux France » ?

J’aime l’art lorsqu’il ne cherche pas à m’imposer ce que je dois penser. Lorsqu’il pose plus de questions qu’il ne donne de réponses. Je n’aime ni l’hagiographie, y compris religieuse, ni le catéchisme révolutionnaire.

Il existe des artistes, qui peuvent avoir un grand talent, qui pensent devoir dire au peuple ce qu’il faut penser – un évêque écrit ceci avec grande réserve, ce reproche peut lui être facilement adressé : que de religieux, moi-même ? ayant cherché à dire aux autres le bien pour eux – je préfère partir de ce présupposé que chacune, chacun est assez adulte pour discerner ce qui est bien et beau. « A mon sens – écrit Amos Oz – forcer l’autre au changement constitue l’essence du fanatisme. La tendance à convertir son voisin, transformer son conjoint, ‘’formater’’ son enfant ou remettre son frère dans le droit chemin, plutôt que de le laisser vivre. » Comment guérir un fanatique. Gallimard, Arcades, Paris, 2006.

L’esprit de dérision blesse inutilement et suscite réserve plus qu’adhésion. Je lui préfère l’humour. Celui-ci n’entend pas être donneur de leçons puisqu’il s’exerce vis-à-vis de soi-même. C’est vrai il ne conforte que bien peu dans l’esprit militant, mais il ne s’envisage jamais en surplomb par rapport à qui que ce soit, de Parisiens éclairés au regard de provinciaux retardés, par exemple. A nouveau Amos Oz apporte cet éclairage : « L’auto-dérision est une partie du remède , de même que la capacité à nous voir à travers le prisme des autres. Il faut apprendre à être souples, à aimer les situations ouvertes, la diversité » (oc, p. 46).

Le beau peut cependant confiner à un pur esthétisme, mais laissons cela à la publicité. Le beau n’ignore pas la hideur du monde ni des cœurs, mais exprime que même en ces lieux où règne la souffrance et la solitude, une espérance est possible, pour tous et avec tous, aussi pour ceux qui portent un projet pour le monde différent du mien.

 

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