Paternel (Ronan Tronchot, 2024)
OFC 2024, n°14 – 3 avril 2024
Aux évêques de France
Voici Simon, prêtre dans une ville moyenne (on reconnaît Auxerre) ; il aime ce qu’il
est, ce qu’il fait, il aime les gens, et ceux-ci le lui rendent bien.
Dans ce premier long métrage de Ronan Tronchot, les personnages sont tous présentés avec
empathie – « chacun a ses raisons », dirait Jean Renoir – le réalisateur s’efforce de ne pas
caricaturer les uns ou les autres comme les décisions qu’ils auront à prendre. Il les place devant
leurs dilemmes, intérieurs, sociaux, religieux.
Simon est présenté, dès les premières images, comme un homme qui prend soin des gens et des
choses. Il se préoccupe d’un vieux calvaire, d’une personne hospitalisée comme de l’ensemble
des paroissiens (le chauffage de l’église ne fonctionne plus). Il est vraiment cet homme
« paternel » exprimé par le titre du film.
Or, celui que tous appellent « Père » ne peut être appelé papa ! Voilà le sujet central du film : à
la fin de funérailles, une femme qu’il a connue lorsqu’il était au séminaire, avec laquelle il a eu
une brève relation amoureuse et qui partit au Canada, se présente à lui, avec son fils… qui est
aussi celui de Simon.
On comprend que tout ceci bouleverse Simon ; toute sa vie est dans son sacerdoce auquel il est
donné et qu’il aime, mais, cet homme sensible, humain, comme l’ont montré les premières
scènes du film, ne peut être indifférent à son fils.
Quelques phrases du dialogue expriment le bouleversement qui saisit Simon :
« Je ne peux pas avoir d’enfant » … et il a un enfant, bien réel.
« J’ai consacré ma vie à Dieu, je ne veux pas partir maintenant ».
Son choix du célibat est plein de sens pour lui, il l’exprime ainsi : « personne ne m’attend, je
peux être totalement disponible à quelqu’un » … mais un fils va l’attendre.
Simon perçoit peu à peu les contradictions entre ce qu’il est, vit, dit, et ses résistances à accepter
son fils.
Le film montre aussi le décalage entre de belles paroles et la vie telle qu’elle est, en
particulier lorsqu’il s’agit d’aider une ado de 16 ans, Marion, qui se retrouve enceinte, tiraillée
entre sa foi, sa famille, et la venue éventuelle d’un enfant.
Louise part… on la découvrira plus tard hospitalisée, victime d’épuisement, Simon doit
accepter, assumer, d’être père, de le devenir… et il s’y prend très bien. Il se prend d’affection
pour son fils.
A l’occasion de la proclamation de l’Evangile de Jean, « La vérité vous rendra libre » … il
annonce aux fidèles sa paternité. Il pose alors le choix de se vivre père, mais ne sera plus
« Père » de sa communauté.
La manière dont est présenté Simon nous le met en sympathie, ce qui rend bien plus à même de
recevoir le plaidoyer final qui voudrait que le père demeure un Père.
Comme il se doit, l’institution est présentée, mais avec humanité, empathie. L’évêque, malade,
surtout las d’un ministère qui l’a vu porter des choses certainement lourdes, trouve de
l’affection dans un chien qu’il a recueilli. Lui aussi, cet évêque, traverse des moments
différents : Il a d’abord le souci de « la plus grande discrétion » ; « ton erreur ne doit pas rejaillir
sur le diocèse », dit-il à Simon ; il souhaite que son cas ne fasse pas école ; jusqu’à dire enfin :
« Ton fils doit passer en priorité ».
Il est heureux de constater que Ronan Tronchot a travaillé sérieusement, s’il connaît l’Eglise
catholique par son histoire familiale, il a aussi mené un travail permettant que ce qu’il montre
et dit sonne juste, et c’est le cas. Par exemple, il y a cette rencontre avec un doyen « dans le
coup », qui encourage le développement des quêtes numériques… nouveau dada des argentiers
de l’Eglise. La justesse de ce qui est montré de la vie de l’Eglise catholique aujourd’hui
concoure à entrer facilement dans le film. Et il y a bien entendu la qualité des interprètes, avant
tout Grégory Gadebois, Simon, et Géraldine Nakache, Louise.
Paternel est un premier film ; on n’y recherchera pas de grande originalité de mise ne scène ;
c’est un peu plan-plan. S’il est heureux que les personnages soient regardés avec sympathie, le
fait que leurs failles sont peu présentes peut emporter le spectateur dans un acquiescement trop
prompt aux thèses que présente l’œuvre.
On aurait aimé que le personnage de Louise soit davantage présent… mais n’est-ce pas une
manière de sous-entendre que pour Simon elle a été « une erreur ». S’il se préoccupe de son
fils, Aloé, il ne fait que peu de cas de Louise, comment ne le ressentirait-elle pas avec douleur ?
Pourtant, pendant onze ans, c’est elle seule qui a porté et élevé « leur » fils. Paternel, Simon
l’est, de belle manière… sans s’engager dans une vie de couple, il aurait pu être meilleur
compagnon.
+ Pascal Wintzer, OFC