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Mort douce, monde dur
Publié le 26 septembre 2022

Monseigneur Pascal Wintzer, Président de l’Observatoire Foi et Culture vient de publier une nouvelle fiche au sujet de Plan 75 de Chie Hayakawa

Les circonstances font que Plan 75 sort sur les écrans au moment où, encore, certaines personnes et certains groupes veulent, en France, une nouvelle loi sur la fin de vie.
Dans un futur proche, le Japon a voulu résoudre ce qui lui fait problème : le vieillissement. Le problème ce sont donc « les vieux » ; au-delà de 75 ans, ils ne sont plus productifs et ils pèsent sur la population plus jeune, pour leur prise en charge. Le succès du plan 75 est tel – il permet à la société organisant la chose de faire un bénéfice de plusieurs milliards de yen – qu’il est envisagé qu’il connaisse une évolution pour devenir le plan 65 !

Le film est sinistre. Le sujet certes, mais aussi son traitement : dans un film en couleur, tout est gris. Dépressifs s’abstenir. C’est un premier film. Son ton, son ardeur sont d’autant plus remarquables.
A l’exemple de la culture japonaise et de son cinéma, Plan 75 sait exprimer des choses violentes, âpres avec discrétion, délicatesse ; ainsi des relations entre les protagonistes. Dans le film, nous suivons divers itinéraires, qui se croisent ou non ; ainsi d’une société tout de dureté. Le seul moment de joie, d’animation même, est une scène se déroulant dans un bowling. Ceci vient de ce que les codes ont été bousculés. Le système mis en place par l’Etat est mis en œuvre par la société « Plan 75 » qui vend ses services et encourage les personnes ayant atteint l’âge de 75 ans à mettre fin à leur vie. Une employée de cette société, chargée d’accompagner les personnes qui ont recours au « plan », travaillant avant tout à éviter que certains ne reviennent sur leur décision d’euthanasie, va au-delà de l’entretien professionnel, de quinze minutes, pour nouer une relation plus humaine avec une femme de 78 ans ; elles parlent tout simplement de la vie, de leur vie, et de ce fait elles viennent à se rencontrer… Elles sont passées au « présentiel » ! Tout change alors.

Plan 75 est ancré dans la mentalité du Japon. En effet, le collectif y a bien plus de poids qu’en Occident. Dans le film, l’euthanasie ne vient pas répondre à des souffrances qui seraient intolérables, les personnes que suit le film ne sont pas malades, elles sont seulement âgées… serait-ce ceci la maladie ? Mais, elles sont un poids pour le pays, pour les plus jeunes, et, lorsqu’il en est ainsi, l’individu doit se sacrifier pour le groupe.
Pour aider à vivre le passage, qui sera médicamenteux, la personne reçoit une somme de 100.000 yens (700 €) qu’elle peut dépenser comme elle l’entend, pour s’offrir encore du bon temps. Certes, elle devra conserver une partie de la somme pour l’incinération et le dépôt des cendres. Autre option cependant, le formule « groupe » : l’incinération est collective comme le traitement des cendres. On apprendra que celles-ci reçoivent un usage « écologique » dans des industries du recyclage.

Très différent dans la forme, Plan 75 invite à revoir La ballade de Narayama de Shōhei Imamura, qui obtint la Palme d’or à Cannes en 1983. Au XIXe siècle, dans un village nippon, lorsqu’ils ont 70 ans, les habitants s’en vont dans la montagne pour y mourir. Ceci s’inspire d’une pratique semble-t-il légendaire, mais qui marque la pensée japonaise, l’Ubasute. Il s’agit d’une coutume consistant à porter un infirme ou un parent âgé sur une montagne, ou un autre endroit éloigné et désolé, pour le laisser mourir. Il n’y a pas de montagne dans Plan 75 mais un hôpital aseptisé.
Au sujet de son film, la réalisatrice écrit : « Je voulais surtout dépeindre la violence avec un visage doux. Le plan 75 est d’autant plus dangereux qu’il a l’air aimable. J’ai donc essayé de renforcer son apparence sucrée. En rendant les gens polis et gentils, je veux montrer qu’ils arrêtent de penser et acceptent tout ce que le gouvernement décide. Arrêter de penser est une chose très effrayante pour moi. »

Ce film place chacun devant lui-même, devant ses liens à ses proches, devant la question de l’âge. Une société de la performance, de l’utilité, du chiffre conduit immanquablement à désigner certains comme « en trop », eux-mêmes étant conduits à se penser tels. La finalité n’est pas simplement technico-économique ; il s’agit de faire consentir à ce qui est voulu par un système anonyme et donc inhumain. C’est donc bien ce que C.S. Lewis appelait « l’abolition de l’homme ». On peut aussi penser à la fin de 1984 d’Orwell : après tortures et lavage de cerveau, l’anti-héros sait qu’on va enfin le liquider et qu’il va mourir heureux, parce qu’enfin il aime Big Brother.

+ Pascal Wintzer,
Archevêque de Poitiers

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