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Mgr Wintzer nommé archevêque de Sens-Auxerre
Publié le 6 août 2024

Mgr Pascal Wintzer a été nommé archevêque de Sens (Yonne) ce mardi 6 août 2024 par le pape François.

La messe d’installation dans le diocèse de Sens et Auxerre aura lieu dimanche 6 octobre 2024 à 15h30 en la cathédrale Saint-Étienne de Sens.

MESSAGE DE MONSEIGNEUR WINTZER
aux habitants des Deux-Sèvres et de la Vienne

 

Il vous est bon que je m’en aille

Je perçois que le diocèse a besoin de connaître un renouveau, l’envoi d’un nouvel archevêque, dans quelques temps, en sera l’occasion. Je sais aussi pour moi ce besoin de renouvellement : après plus de dix-sept années dans le diocèse, ai-je encore quelque chose à vous apporter ? Si je suis un fruit qui avait quelque jus, celui-ci est sans doute épuisé ; recevoir un nouvel appel, être planté sur une nouvelle terre me donnera, je l’espère, un souffle nouveau, sans rêver devenir différent de qui je suis. J’ai expérimenté ces renouveaux pendant les vingt années durant lesquelles je fus prêtre à Rouen : j’ai changé sept fois de mission, et chaque nouvel appel m’a été bienfaisant, et je l’espère pour ceux auxquels j’étais envoyé.

Je sais qu’on ne se construit pas tout seul. Tout comme la Bible nous parle de ces personnages qui ont reçu un nouveau nom de la part de Dieu, je sais que les rencontres, les lieux forment qui nous sommes ; vous m’avez construit, je vous en suis très sincèrement reconnaissant.

Je peux écrire ceci car accepter de se laisser édifier par les autres, pour moi par le diocèse de Poitiers, révèle certaines de mes convictions profondes. J’ai toujours été hostile à tout ce qui conduit à ériger en absolu des choses secondes. Je supporte sans trop de difficulté que l’on soit en désaccord avec ce que je pense ; tout comme ce ne m’est pas un problème d’exprimer une pensée en désaccord avec d’autres. C’est parce que nous savons quel est le cœur de la foi chrétienne que nous supportons que des expressions historiques, géographiques soient très diverses.

 

 

Chercher et accepter notre réalité

Mes goûts littéraires me tournent vers les romans du réel, je suis peu attiré par ceux de pure imagination. Ceci permet de percevoir que je suis un homme qui cherche à dire le réel, qui sait bien sûr qu’il faut le discerner, la réalité ne s’impose pas directement à nous, ce sont souvent nos propres grilles de lecture qui sont premières, chacun doit sans cesse en prendre conscience et s’en méfier.
M’efforçant de dire le réel, je répugne à tout ce qui confine à entretenir le rêve et l’illusion, au risque de ne guère faire rêver, ce dont nous avons pourtant besoin et qui soutient bien des projets. Je dénonce aussi ces attitudes qui consistent à tenir pour mètre-étalon telle période du passé, le plus souvent idéalisée et qui confine au pur fantasme.
C’est à partir du réel, dans sa complexité, que l’on peut poser des choix. C’est aussi le point de départ de toute conversion, accepter qui nous sommes, sinon, comment se livrer à la force transformante de Dieu ?
Pour cette raison, je combats toute forme de pensée magique qui se rêve un sauveur (nous savons qu’il y en a un seul). Ainsi, quant à l’annonce de l’Evangile dans les Deux-Sèvres et dans la Vienne, elle est entre vos mains. Attendre des sauveurs venus d’ailleurs, souvent choisis sur le catalogue de nos préférences, nous dispense d’entendre l’appel qu’à chacun le Seigneur adresse : « Va ! ».
Il convient cependant d’être et de demeurer des catholiques, très concrètement d’être ouverts à l’Eglise qui est plus diverse et plus riche que ce qui est poitevin, normand, voire bourguignon.

Porter des appels pour notre Eglise

Au terme de ces années parmi vous, je porte une souffrance, qui a le poids d’un échec personnel, le peu de vocations qui sont nées et se sont engagées pour notre Eglise diocésaine. Ce fut pour moi une expérience nouvelle ; dans mes missions de prêtres, j’ai connu nombre de jeunes qui ont entendu l’appel et se sont engagés, comme prêtres diocésains et dans la vie consacrée. Suffit-il de dire que les temps ont changé ?
De plus, nous vivons des temps éprouvants, durs. Ceci nous marque, nous affermit aussi, mais aussi nous durcit, au sens négatif de ce terme ; nous sommes trop durs les uns vis-à-vis des autres. Je pensais, naïvement, que la pauvreté pouvait renforcer les solidarités, dans l’Eglise comme dans la société, mais ceci doit être voulu, ne vient pas tout seul ; a contrario ce qui se présente ce sont les antagonismes, le plus souvent, comme je l’ai écrit plus haut, en érigeant en absolus des choses pourtant si secondes.

L’impératif de la charité

La solidarité, la charité ne vont pas de soi ; il faut mener le combat spirituel pour les vouloir. Il s’agit en particulier de se donner des repères plus grands que soi, que ses goûts, sa famille, son histoire. Pour les prêtres, c’est tout l’enjeu de la formation. Ainsi que l’écrivait Hannah Arendt au sujet de l’éducation en général, elle nous fait violence – une heureuse et nécessaire violence – car sa finalité est toujours de nous ouvrir au-delà de nous-même. C’est ainsi que l’éducation nous grandit, qu’elle élargit notre cœur et notre esprit. Un prêtre – je pourrais dire cela de quiconque – qui pense qu’il a résisté à ses formateurs, qu’il est resté fidèle à ce qu’il pensait avant d’entrer au séminaire n’aura aucune capacité à se laisser construire par les communautés auxquelles il sera envoyé. Et de cela naissent d’autres violences, qui n’ont rien d’heureuses, puisqu’elles entretiendront de perpétuels antagonismes. Je crois, une nouvelle fois, pouvoir vous le dire : merci de m’avoir changé.

Puisqu’il s’agit d’aller au-delà de soi, il faut aussi s’appuyer sur des repères communs, qui ne sont pas au libre agrément de nos goûts, et qui s’imposent à tout. Comme Français, il s’agit de la loi de notre pays ; comme catholiques, il s’agit du concile Vatican II ; comme poitevins, il s’agit des trois synodes diocésains célébrés ces dernières années. Chacun doit pouvoir se dire : « Qui suis-je pour estimer que j’aurais raison contre toute l’Eglise ? »
Bien entendu, cela appelle une attitude spirituelle, qui est toujours un combat : devenir libre de soi-même. Ceci n’est possible qu’à la mesure où nous trouvons notre force en Dieu et non en nous-même. Celui qui ne s’appuie que sur lui sera toujours en péril, craignant toute remise en cause et développera des attitudes de défense et d’agressivité. J’aime citer, vous le savez bien, cette parole de Maître Eckhart : « Va à la recherche de toi-même, et quand tu t’es trouvé, quitte-toi. ». Ceci permet de travailler à prendre le chemin que nous indique l’apôtre Paul : « Je me suis fait tout à tous » (cf. 1 Corinthiens 9, 22).

Poursuivre les choix décidés ensemble

Frères et Sœurs, il m’est donné de vivre cette période un peu particulière, celle de savoir que je pars, sans pouvoir le partager, ni à vous que je quitte, ni à ceux vers lesquels je vais, à La Puye, pour la retraite spirituelle du presbyterium ; c’est en ce lieu que je rédige ces quelques paragraphes, la dernière semaine du mois de juin.

Le silence avec lequel se vit une retraite soutient le silence institutionnel nécessaire. Surtout, j’apprécie que la retraite soit proposée en cette période de l’année. On s’écarte de la fébrilité qui peut gagner du fait de la fatigue d’une fin d’année pastorale – sans chercher à ne pas en porter sa part – mais dans un chemin d’approfondissement que permettent les conditions d’une retraite. C’est dans ces mêmes conditions que l’on envisage la prochaine année pastorale.
Cette année, il ne me revient pas de lui donner telle ou telle couleur par une lettre pastorale ; devenu administrateur du diocèse, la règle qui s’impose est celle-ci : nihil innovetur. Il s’agit cependant d’aller au terme de ce qui a été entrepris : avant tout le Festival diocésain « Vous êtes la lumière du monde », ainsi que le travail conduisant à la proposition d’une réforme des différents conseils diocésains.

Permettez-moi cependant de revenir sur les insistances des deux dernières lettres pastorales. Pour moi, elles s’appellent et se complètent. La lettre de septembre 2022 insistait sur la proximité, qui est à vivre avant tout par les personnes qui résident ou travaillent sur place, dans telle commune, tel quartier, dans les relations de fraternité, de charité, de prière. Chacun doit pouvoir se dire ceci : « Si je tiens à ce que l’Evangile soit vécu et annoncé chez moi, personne ne viendra d’ailleurs pour le faire ». Le second appel, en septembre 2023, est de continuer à développer quelques lieux de ressourcements dans le diocèse. Lieux de célébration régulière de l’eucharistie dominicale, de formation, de soutien spirituel, lieux aussi de vie pour les prêtres. Ces lieux seront nos villes principales ainsi que tel ou tel centre spirituel qui, déjà, joue ce rôle dans le diocèse. Je le redis, ces deux appels ne s’excluent pas, ils se complètent.

Continuons à adapter nos structures

« Ne vous faites donc pas tant de souci ; ne dites pas : “Qu’allons-nous manger ?” ou bien : “Qu’allons-nous boire?” ou encore : “Avec quoi nous habiller ?”
Tout cela, les païens le recherchent. Mais votre Père céleste sait que vous en avez besoin. Cherchez d’abord le royaume de Dieu et sa justice, et tout cela vous sera donné par surcroît. Ne vous faites pas de souci pour demain : demain aura souci de lui-même ; à chaque jour suffit sa peine » Matthieu 6, 31-34.

Je pense avoir une certaine liberté par rapport aux choses matérielles, aussi parce que je reçois ce dont j’ai besoin pour vivre ! Une seule chose me pèse, je le disais lors de mon ordination épiscopale le 19 mai 2017, et le redis ici, au risque de contredire un oracle jupitérien, « Je n’aime pas la bagnole ! » La voiture coûte cher, c’est moche, ça pollue, c’est dangereux et ça prend un temps considérable. Je sais pourtant qu’elle est nécessaire, spécialement dans le monde rural et les périphéries des villes. Mais cette nécessité est aussi la conséquence de choix politiques – appréciés des marchands de pétrole – le manque d’investissement pour les transports collectifs et l’encouragement à l’étalement urbain. J’ajoute que les transports en commun ont cet avantage, presque spirituel, de nous initier à une nécessaire dépendance : il s’agit en effet de respecter des horaires et des règles de vie en commun ; la voiture encourage l’individualisme. Se passer de voiture est un luxe que l’immense majorité d’entre vous ne peut se payer ; je sais la charge que le transport représente dans le budget des familles. Je ne peux m’empêcher de penser que le modèle dont nous héritons, qui nous contraint, devra connaître des profonds changements. L’écologie n’est pas une mode, elle est le grand projet de notre temps.

Bref, les choses matérielles me semblent bien secondes ; c’est pour cette raison que je peine à voir que tel choix, matériel, rencontre ô combien de résistances.
Nous séparer d’une salle paroissiale, bien peu utilisée, d’un presbytère dont on dit qu’il « pourra servir un jour », comme privilégier l’usage d’une église mieux située, bien équipée, plutôt que de courir partout. Je vous invite à grandir en liberté par rapport à tout cela. Sans utiliser l’Evangile comme justification, j’y entends quand même un changement profond au regard des religions du monde et même de celle d’Israël, ce changement exprimé par les paroles de Jésus à la Samaritaine :
« Femme, crois-moi : l’heure vient où vous n’irez plus ni sur cette montagne ni à Jérusalem pour adorer le Père.
Vous, vous adorez ce que vous ne connaissez pas ; nous, nous adorons ce que nous connaissons, car le salut vient des Juifs. Mais l’heure vient – et c’est maintenant – où les vrais adorateurs adoreront le Père en esprit et vérité : tels sont les adorateurs que recherche le Père.
Dieu est esprit, et ceux qui l’adorent, c’est en esprit et vérité qu’ils doivent l’adorer. » (Jean 4, 21-24).

Par ces mots, le Seigneur rappelle à ses interlocuteurs, dont nous sommes, que nous venons d’un peuple dont le seul roi est Dieu – même s’il choisit de s’en donner un avec Saül – et dont le Temple est une tente dans le désert – même si Salomon édifia un temple à Jérusalem.

Agir sur les choses matérielles, dont je viens de rappeler le caractère bien transitoire, devrait être facile, il en va autrement des êtres humains : à la différence des choses, des objets, des maisons, des terrains… de tout ce qui nous occupe si souvent et finit par nous posséder, alors que nous nous en croyons les possesseurs, les êtres humains ne peuvent heureusement être dominés, voire soumis. On ne change pas les autres à force d’insistance… c’est à chacun de nous d’accepter d’être changé, converti, par le Seigneur, par les frères et sœurs, par la vie.
Je vous le demande, travaillons à sans cesse nous libérer des choses. Les financiers disent que ce sont des biens, j’estime qu’elles sont avant tout des entraves.

La liturgie, expression de l’unité

Je termine ces quelques réflexions par des mots qui concernent ce qui occupe de la place dans mon cœur, la liturgie. Elle est le chemin qui m’a permis d’entendre, dès mon enfance, des appels du Seigneur. Alors qu’elle est de plus en plus utilisée, instrumentalisée même, pour servir ses propres idées, elle en est tout le contraire. En effet, la liturgie a pour but de louer Dieu ensemble, et de mettre à distance de soi-même. La liturgie est le bien « commun » à une Eglise, pour nous l’Eglise catholique de rite latin. Il ne nous revient pas de la « déplacer », c’est plutôt à elle de nous déplacer. Elle nous conduit ainsi à plus grand que nous, plus grand que nos goûts, notre histoire, notre conception du monde, nos projets. Elle n’a pas pour finalité de séduire, encore moins d’exercer une emprise, laissons cela aux pros de la com.
Qu’il est pénible de voir que la liturgie peut devenir un « instrument » au service d’autre chose que d’elle-même, au service de la mise en scène soi. C’est la même attitude de fond que je perçois tant chez ceux qui ‘’bricolent’’ la liturgie, attitude heureusement moins avérée aujourd’hui que ce ne le fut dans les années 1970, que chez ceux qui s’érigent en ‘’maîtres’’ de la liturgie en choisissant un ordo, le vetus, qui n’est pas celui, commun, issu du dernier concile œcuménique. Sous le masque de la tradition s’exprime l’assujettissement à l’hypermodernité qui ne connaît que la satisfaction des désirs individuels.

 

N’éteignez pas l’Esprit

Appelé à être évêque, j’avais choisi comme devise cette parole de l’apôtre Paul « N’éteignez pas l’Esprit », et non pas Semper idem ! J’y entends un appel à être libre de soi pour discerner à quoi le Seigneur appelle, au travers des personnes qu’il place sur notre route.

Depuis plus de dix-sept ans j’ai voulu vivre cette devise. La grâce de Dieu, qui je suis par lui, me permettent de ne pas me vivre comme identifié au rôle que je peux occuper. Sans goût pour le paraître, pour le pouvoir – ceci pouvant handicaper une mission qui appelle à exercer un pouvoir, et ce mot a sa noblesse – j’ai cherché à exprimer ce vers quoi nous pouvions aller, en fidélité à la foi mais aussi à l’histoire bien diverse de l’Eglise. Là est aussi la mission d’un responsable, préparer l’avenir, tout en sachant que celui-ci pourra être bien différent de ce qu’il a pu penser. Ce n’est pas bien grave, heureusement que la vie déborde nos projets voire les contredit.

Cependant, mon devoir est de penser l’Eglise en fonction du temps, de l’espace, des personnes avant tout. Nous avons essayé de le faire ensemble dans le diocèse. A titre personnel, j’ai exprimé dans des écrits certaines idées quant à notre Eglise aujourd’hui et demain. Peu importe que j’aie raison ou tort, l’avenir sera notre maître, mais il n’y aurait rien de pire que de penser la vie, la société, l’Eglise sous le mode de la photocopie. Nihil innovetur, c’est la maxime qui s’applique à la période dans laquelle nous sommes ; de grâce n’en faisons pas la règle valable pour tout moment et en toute circonstance.

 

+ Pascal Wintzer
Administrateur du diocèse de Poitiers
Archevêque nommé de Sens-Auxerre

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