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La France, l’État, la République, la Nation
Publié le 5 janvier 2021

Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, a publié un article dans la Croix le 4 janvier.

 

La France, l’État, la République, la Nation… L’emploi de chacun de ces mots souffre de se faire de manière indifférenciée, comme s’ils étaient interchangeables et donc de parfaits synonymes. À leur sujet comme de manière générale, l’emploi du mot juste,tout en sachant que le réel ne peut se réduire aux mots, permet cependant de penser mieux et ainsi de servir l’action.

 

Le lien que nous tissons avec chacune des réalités exprimées par ces différents mots ne peut être identique, ils ne peuvent appeler au même engagement moral, civique,affectif. La France a en effet un en-deçà de la République, elle existait au travers de divers régimes politiques qui ont été son expression. Elle pourra aussi demeurer au-delà de la République qui, si elle est une expression de la démocratie, n’en est pas la seule, ainsi que l’attestent beaucoup de nos voisins européens. De même, l’État n’est pas la nation, il en est l’expression politique, et ne peut, de ce fait, appeler au même respect que ce dont il est une manifestation.

 

Dans son journal de guerre, Bernanos tenait des propos qui n’ont rien perdu de leur acuité ni de leur actualité. Bien sûr, ils sont à resituer dans le contexte qui vit l’émergence de l’État français. « On a volé la France aux Français, depuis qu’on leur amis dans la tête que la France était uniquement l’œuvre de l’État, non la leur, que le seul devoir des bons Français était de faciliter la tâche de l’État. Quelle que soit l’apparente évidence d’un tel principe, quel que soit son poids sur nos consciences, nous ne nous en laisserons pas accabler. Notre histoire s’est faite autrement (…). Lorsque l’État devient Dieu, c’est qu’il est devenu incapable de remplir humainement sa besogne humaine, il se cache derrière son Mythe » (1).

 

Rappeler ces distinctions n’entend conduire à aucun manque de civisme mais peut permettre de ne pas nous tromper dans nos attachements. Tout pouvoir peut être tenté de chercher son fondement dans un horizon qui lui est supérieur, un croyant n’est pas dupe de cela. La Commission théologique internationale attira notre attention à ce sujet. « L’État ne peut s’ériger en porteur de sens ultime. Il ne peut imposer ni une idéologie globale, ni une religion (même séculière), ni une pensée unique. Le domaine du sens ultime est pris en charge, dans la société civile, par les organisations religieuses, les philosophies et les spiritualités, à charge pour elles de contribuer au bien commun, de renforcer le lien social et de promouvoir les valeurs universelles qui fondent l’ordre politique lui-même » (2).

 

Les distinctions qu’il me semble nécessaire de rappeler peuvent éclairer la réflexion au moment où va arriver en débat au Parlement le projet de loi sur les séparatismes, la  laïcité… là aussi, la difficulté à préciser l’objet de ce projet de loi instruit sur le travail qui est encore à mener. Certes, il serait injuste d’attendre d’un projet qu’il soit précis en tous ses points, cependant, il sera nécessaire que le vocabulaire, les fins et les moyens soient précisés, au risque de conduire les Français que nous sommes à mal situer l’adhésion à laquelle nous sommes appelés.

 

La citoyenneté, qui appelle l’adhésion politique, parce que réfléchie en raison, est d’un autre ordre que l’obéissance morale qui, elle, ne peut s’appliquer à des lois, même justes et nécessaires, mais toujours circonstancielles. Confondre ces registres, de la part d’un État, loin de le conforter dans son autorité, le fragilise. On peut à ce sujet rappeler d’autres distinctions, opérées par Karl Jaspers au sortir de la Seconde Guerre mondiale. « On peut sans doute tenir tous les ressortissants d’un État pour responsables des conséquences qu’ont eues les actes de cet État. Ici c’est une collectivité qui se trouve atteinte. Mais cette responsabilité est définie et limitée, elle n’implique pas l’implication morale et métaphysique des individus »

 

 

(1) Georges Bernanos, Les Enfants humiliés. Journal 1939-1940, Folio n° 303, Gallimard,1949, 2000, p. 69 et 72.
(2) Commission théologique internationale, À la recherche d’une éthique universelle,Cerf, 2009, n° 95.
(3) Karl Jaspers, La Culpabilité allemande, Éditions de Minuit, 1948 (rééd. 1990), p. 53.

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