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Laïcité et jacobinisme sont deux mots qui vont très bien ensemble
Réflexion de Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers

La République ne reconnaît, ne salarie ni ne subventionne aucun culte. L’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 explique les pratiques de l’Etat qui considère les cultes de manière globale et identique, désormais associés à des associations philosophiques et maçonniques. Précédant ce deuxième article, le premier est bien entendu à prendre en considération, et ce plus qu’un autre puisqu’il dit l’orientation générale de la loi : La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes sous les seules restrictions édictées ci-après dans l’intérêt de l’ordre public.

Il ne revient certes pas à l’Etat de prendre en compte chacun des cultes et ce qui lui est propre, cependant, j’espère que les catholiques savent mesurer que ce ne sont pas les décisions publiques qui définissent la nature de leur Eglise ; il m’arrive parfois de m’interroger sur ce point : si chaque citoyen – et les catholiques sont de ceux-ci – est soumis aux lois du pays dans lequel il réside, pour autant que ces lois garantissent la justice et la liberté, il ne peut abdiquer son jugement de conscience et estimer que ce qu’il est, ses convictions, son appartenance religieuse, ne sont pas totalement honorés par telle loi, telle décision, telle circulaire. Et pourtant il respecte ces lois.
Je voudrais ici que ma réflexion ne soit pas lue uniquement en fonction du contexte de pandémie et des mesures d’exception qu’il engendre ; je souhaite que chacun poursuive son chemin en sachant que la vie continue et qu’elle n’est pas uniquement focalisée sur cet événement, à la différence des moyens d’information qui sont en « édition spéciale » depuis un mois et demi.

Ainsi, l’Eglise catholique est affectée profondément par les conditions d’isolement qui sont imposées, dans cette juste finalité bien entendu de freiner la propagation du virus et de ne pas  submerger les services hospitaliers. L’absence de liturgie blesse l’identité même de l’Eglise catholique, il ne m’appartient pas de parler pour les autres Eglises chrétiennes. En effet, ce qui engendre l’Eglise et la fait vivre, ce sont les sacrements. Chaque année liturgique est ainsi tendue vers la vigile pascale, parce qu’elle est justement le moment où ceux qui l’ont demandé et ont été appelés deviennent chrétiens, et ce par leur participation aux sacrements de l’initiation. Certes, nourris aussi de la Parole, de l’Ecriture sainte, mais celle-ci ne saurait aller sans la vie sacramentelle, eucharistique avant tout. Il est bon de lire l’Ecriture, il est bon de prier seul et en famille, mais comment avancer sans le pain de la route ?
Le manque, la souffrance qu’il engendre, le désir qu’il aiguise peuvent être des choses positives, ils ne peuvent cependant faire taire la faim ni justifier l’absence de vie eucharistique pour des millions de fidèles.

La laïcité ne permet pas de prendre en compte cette originalité de l’Eglise catholique, comme certainement ce qui est propre aux autres cultes ; et le jacobinisme suppose une Eglise nationale, qui n’existe pas, seules existent les Eglises locales, diocésaines. Puisque l’Etat ne reconnaît aucun culte, il est de mon rôle de rappeler aux catholiques quels ils sont.

+ Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers