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Etranger en ce monde qui est le mien
Publié le 22 avril 2022

Dans une tribune parue dans la Croix du 22 avril, Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers, ira voter ce dimanche 24 avril au second tour de l’élection présidentielle avec « sa double citoyenneté » de catholique et de français. Il le fera notamment « en pensant à cette musulmane dont le simple port d’un foulard la rend suspecte ».

 

 

Archevêque catholique, je reconnais me sentir assez éloigné du spectacle donné par les joutes politiques qui entourent l’élection présidentielle, tel ce débat – que je n’ai pas regardé – mais auquel je n’ai pu échapper : annoncé à grands coups de com pendant plusieurs jours et commenté pareillement, même si les élections de dimanche feront oublier le débat, d’ailleurs frustrant car il n’a pas fourni la petite phrase assassine qui nourrira, pendant des décennies, les émissions consacrées aux débats présidentiels.
De plus, cette année, deux calendriers coïncident. Celui de l’élection, et celui, plus décisif pour moi, de l’année liturgique, avec la semaine sainte et l’octave de Pâques ; il faudrait y ajouter le calendrier des vacances, il est peut-être celui qui détermine le plus les agendas.
Cependant, et aussi parce que je suis un archevêque et d’abord un croyant, je ne peux négliger les aléas de l’histoire. Penser aux « fins dernières » serait peut-être un refuge confortable mais celles-ci ne seraient que le fruit de mon imagination et de mes désirs. Dieu, avec Israël et avec Jésus Christ, s’est engagé dans l’histoire des personnes et des peuples. L’Evangile a fait tomber les séparations, entre les personnes et les groupes, mais aussi entre le sacré et le profane : Dieu est le Seigneur de toute chose ou bien il n’est pas. L’homme qui glissera un bulletin dans l’urne dimanche prochain se reconnait d’une double citoyenneté, Français et catholique. Je ne choisis ni ne préfère ni l’une ni l’autre, mon devoir d’homme et de croyant m’appelle à les conjoindre et à les mettre en dialogue. Qui d’entre nous d’ailleurs pourrait identifier sa vie à une seule chose, à une seule dimension ? Alors, même agacé par bien des choses, je voterai, et je ne voterai pas blanc. Le devoir est de choisir.

 

Pourtant, je ne choisis pas sans exprimer mes désagréments, voire davantage. Ainsi, je trouve qu’il y a beaucoup de spectacle dans les meetings, surtout dans ce que les cellules de communication orchestrent comme images et slogans ; est-ce ceci qui détermine les choix électoraux ? Certains le pensent à dépenser des sommes extravagantes pour tout ce bruit. Je le regrette et espèrerait qu’il en soit autrement. Un ou une responsable a le devoir d’élever les personnes pour lesquelles il contracte un engagement. Il a, du fait même de ses responsabilités, une vision plus large de l’espace et entend inscrire son action sur le temps long. Il sait, ceci ne peut être autrement, que les seuls choix décisifs s’inscrivent sur des horizons vastes. Il s’engage pour l’ensemble d’un peuple, pour que celui-ci fasse société. Tout le contraire de la simple addition d’intérêts catégoriels voire individuels.

 

Alors, en votant, comme dans la réflexion qui précède, je m’efforce, mais c’est une attitude qui doit être générale, de me mettre à distance de moi-même. A vrai dire, je n’attends rien pour moi, je le crois, Dieu me suffit, mais je me dois de poser des choix pour mon pays, pour qu’il ne se fracture pas davantage. J’essaye alors de me situer à la place d’une famille inquiète pour ses enfants auxquels on présente une vie dont l’idéal serait le libre choix de soi-même, depuis son sexe jusqu’à son nom. Je pense à cette musulmane dont le simple port d’un foulard la rend suspecte. Je pense à ces personnes qui comptent tout à chaque fois qu’ils font leurs courses. Je pense à ce jeune couple qui se demande s’il peut donner la vie alors qu’il vit l’angoisse des conditions climatiques et écologiques, ou encore à ce migrant, homme seul, à la peau noire, et qui parle à peine le français.
Le lundi 25 avril, aucune réponse ultime ne sera apportée à chacune de ces personnes, mais, ils auront compris, les unes et les autres, qu’ils auront encore une place, qu’un espoir leur sera
possible, ou bien que tout leur sera plus difficile.
C’est avec chacune et chacun que la France s’est construite ; je souhaite qu’elle n’en exclue aucun pour son avenir.

 

 

+ Pascal Wintzer
Archevêque de Poitiers

 

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