Sélectionner une page
Comment j’aborde la semaine sainte ?
Publié le 4 avril 2020

Comment j’aborde la semaine sainte ?

Par Isabelle Parmentier

D’abord, pour moi, ce n’est pas la semaine qui sera sainte. C’est Dieu, le seul Saint qui va nous sanctifier – si nous y consentons – en nous revêtant de son Fils. Dieu aime tant le monde… Ce n’est pas rien de mourir au péché et de renaître à la vie avec le Christ. Une plongée éprouvante, salutaire. Chaque année, je vois s’approcher le Triduum avec timidité et effroi, mais cette fois plus encore, à cause de la poignante coïncidence entre les célébrations de Pâques et la pandémie qui embrase la planète. La vérité pascale se joue aujourd’hui dans la chair de notre humanité exposée au Coronavirus. L’innocent est frappé comme le coupable, le prisonnier comme l’homme libre, le sans abri comme la famille richement confinée. « L’un est pris, l’autre est laissé ». Les croix se dressent chaque jour plus nombreuses. Aucun lieu, aucun milieu, n’est épargné.
Le mystère de la foi est à nu. Nos cœurs sont à nu. Nul besoin d’aller en terre ‘sainte’. Le Golgotha c’est ici, dans nos maisons, nos villes, nos campagnes. Depuis plusieurs semaines, le Christ souffrant n’est pas à chercher dans nos églises vides et silencieuses. Il est dehors, non confiné, lui, mêlé à nos frères migrants exclus, ballotés sur l’océan de nos indifférences, entassés sur les îles grecques ou dans nos banlieues. Il erre, dépouillé de tout, dans les ruines d’Idlib, là où les conflits continuent, sans pitié. Il a faim, il a peur en Inde, en Afrique, là où les états peinent à s’organiser contre le virus. « En agonie jusqu’à la fin du monde » le Christ souffre dans son Corps chez nous aussi, avec les malades soignés dans des services surchargés ; il meurt ou se relève heureusement vivant, dans les hôpitaux de campagne ; il pleure et espère avec les personnes âgées isolées dans leur chambre d’EHPAD. « Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Les Simon de Cyrène sont nombreux, non pas servants d’autel, mais médecins, infirmiers, ambulanciers, responsables et soignants qui lavent les pieds des malades et donnent leur vie, serviteurs discrets, jusqu’à l’épuisement. « Il les aima jusqu’au bout ».
 Vais-je me tromper de Pâques quand le monde entier gémit ? Vais-je dormir en ignorant mon péché, bercée par les multiples distractions des réseaux sociaux ? Quel péché planétaire a besoin de pardon ? Quelle nuit a besoin de lumière ?

Le culte qui plaît à Dieu

Prenons bien garde. Le problème n’est pas liturgique, pas d’abord. C’est notre foi que Dieu espère, et avec elle, notre fraternité. Dommage pour les rameaux qui ne seront pas bénis. Que Dieu nous bénisse tous et nous tienne dans sa miséricorde ! Tant pis si l’encens n’embaume pas notre prière : notre prière s’élèvera vers Dieu « comme nos mains dans l’offrande du soir ». Nous allumerons plus tard le cierge pascal au feu, dans la nuit. Christ hier, aujourd’hui et demain est la Lumière du monde, nous le croyons. Dans le secret de nos vies, avec ou sans rituel, chaque jour, c’est Pâques. Chaque jour « nous proclamons sa mort, nous célébrons sa résurrection, nous attendons sa venue dans la gloire. ».
Qu’on se le dise, que les prêtres nous le redisent, au lieu de multiplier les messes de substitution sur écran : le secours du Christ ressuscité, réellement présent dans les sacrements, ne manque pas à son peuple quand les sacrements viennent à manquer. Il vient, il est là, il l’a promis. « Je serai avec vous tous les jours, jusqu’à la fin du monde » En tout temps, et en particulier quand son peuple est dispersé, en exil.
C’est donc l’heure, pour ce peuple adulte dans la foi, de vivre réellement une « Église en sortie », sans faire un drame du jeûne liturgique imposé, prompte à quitter ses préoccupations étroitement cultuelles, auto référencées, pour se recentrer sur l’essentiel : le saint sacrifice attendu par Dieu est avant tout notre charité au cœur du monde. Cette fois, nous y sommes au cœur du monde.
Pendant ces jours, l’eucharistie sera précisément pour moi une « messe sur le monde » dans laquelle je me sentirai, par la grâce de mon baptême et de la communion des saints, agrégée au corps du Christ mort et Ressuscité « pour la gloire de Dieu et le salut du monde ». Mon autel sera l’Evangile ; mon combat, l’espérance ; mon vêtement liturgique, la foi. L’assemblée ? Mes voisins de palier, les gens de mon quartier et, plus au loin, ceux à qui je demeure reliée par la pensée, l’affection et la prière. « Si quelqu’un garde ma Parole, mon Père l’aimera, et nous viendrons à lui et nous ferons chez lui notre demeure. »

Un juste Alléluia

Sur quel ton entonnerons-nous samedi prochain l’Alléluia de Pâques ? Comment célébrerons-nous la victoire de la vie, en plein pic de l’épidémie ? A vrai dire, je redoute les alléluias trop facilement vibrants, joyeusement automatiques. « Il ne nous suffit pas d’être croyants, disait l’abbé Pierre, il nous faut être crédibles. » Certes, « si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi est vaine ». Que le Christ vive en nous, qu’il insuffle en nous sa joie, je n’en doute pas ! Mais puissions-nous, comme dit saint Paul, « éprouver la puissance de sa résurrection », sans omettre de communier à ses souffrances. 
Ce point me parait finalement décisif : plus que jamais, cette année, notre manière de fêter Pâques annoncera la foi, ou bien lui fera obstacle. De quel Alléluia aura besoin mon amie Chantal, confinée seule chez elle, pendant que son mari, gravement atteint, reste intubé, plongé dans un coma artificiel ? Quel ton juste réconfortera les soignants épuisés ? Quelle annonce pascale apaisera le chagrin des familles endeuillées qui n’ont pu dire au-revoir à leurs proches ? Quelle parole de paix sera offerte aux enfants battus, aux couples en conflit, à ceux qui s’entassent dans des conditions difficiles depuis trois semaines ? Quel message d’espoir nourrira le courage des responsables politiques ? L’Eglise est espérée : son annonce pascale sera-t-elle audible ? crédible ?
Pas d’autre manière de faire que celle du Ressuscité lui-même. Avant et plus que l’exultation liturgique, notre modèle demeure l’évangile. Toujours repartir de Jésus. Plus que jamais, chercher à l’imiter. Comment s’est-il présenté, lui, à ses disciples, après sa mort ?  Quel a été son Alléluia ?
Je reste frappée par sa discrétion. Il vient, le Ressuscité, il s’approche des siens comme sur la pointe des pieds, sans tambour ni trompette. Il compatit à leur détresse, il ne les brusque pas en les aveuglant par sa présence. Une révélation trop violente, une joie trop forte pourraient les mettre à terre. Avec quelle délicatesse et quelle patience il écoute, sans les juger, les deux compagnons d’Emmaüs enfermés dans leur deuil. Avec quelle tendresse il relève Marie-Madeleine en pleurs, juste en murmurant son nom. A Thomas et aux disciples, il donne le droit de douter, il leur présente ses plaies ouvertes. Car la résurrection n’abolit pas la douleur de la passion : elle se porte au-devant d’elle, elle la porte, la supporte, la réconforte. Avec respect. Saurons-nous trouver le même ton juste ? La même joie ajustée ?
Notre Alléluia pourra se mêler aux applaudissements amicaux qui résonnent chaque soir, à 20h, aux balcons de nos immeubles et dans nos rues. Joyeux et modestes claquements des mains, en soutien aux héros quotidiens, ces « prêtres » ordinaires de l’amour. A Pâques, cette année, j’essayerai de rester simplement croyante, proche des femmes et des hommes fraternels, confinée dans l’humble paix du Sauveur.

Isabelle Parmentier
Samedi 4 avril 2020, veille des Rameaux

Luc 17,34
Blaise Pascal, Pensées.
Marc 15, 34
Jean 13, 1
Psaume 140, 3
Matthieu 28, 20
Jean 15, 23

Nous suivre

Rester en lien avec le diocèse de Poitiers sur les réseaux

Facebook

Visiter notre page Facebook

Instagram

Suivre notre compte Instagram

Newsletter

Abonnez-vous à la Église en Poitou

Dernières actualités

Prier aujourd'hui

19 avril 2024

Le saint du jour

Prier avec La parole de Dieu

Lectures du jour →

Les messes sur le diocèse

Les horaires de messes

Déposer une intention

Confier une intention de prière

Prochains événements sur le diocèse

Aucun événement trouvé !